Le film de Dean Wright dédié à l’épopée des Cristeros est sorti sur les écrans français le 14 mai 2014. Ce western grand public a le mérite de braquer les projecteurs sur une page méconnue de l’histoire du Mexique. Analyse par Priscille de Lassus, rédactrice en chef d’Histoire du Christianisme Magazine qui vient de sortir un hors-série complet sur ce sujet.
Après avoir remporté un succès inattendu au Mexique puis aux États-Unis en 2012, For Greater glory, the true story of Cristeros commence à se faire une place auprès du public français qu i le découvre seulement maintenant au cinéma.
L’histoire ? La révolte des catholiques mexicains contre un gouvernement farouchement anticlérical. L’action se déroule entre 1926 et 1929, quand les gens des campagnes prennent les armes après des mois de résistance pacifique mais inutile. D’emblée, ce mouvement de résistance populaire suscite de terribles répressions. Mais la rébellion perdure et s’organise sous la houlette du général Gorostieta, tiré de sa retraite pour prendre le commandement des opérations et transformer des bandes éparses d’amateurs en une armée capable de faire vaciller le pouvoir en place.
On regarde ce long-métrage comme un bon western avec des cactus, des chevaux, des embuscades, des amitiés viriles, des paysages splendides, de séduisantes moustaches et de belles brunes aux yeux sombres… Mais il y a en plus la foi qui irradie de cette troupe hétéroclite et des sacrifices qui laissent pantois comme le martyre, authentique, du petit Joselito.
Si le réalisateur a puisé aux meilleures sources historiques – en lisant très manifestement les ouvrages de l’incontournable Jean Meyer – et iconographiques – comme en témoignent de nombreux plans qui s’inspirent directement de photos d’archives – le film reste bien sûr une fiction grand public avec son lot d’ellipses, de télescopages et d’invraisemblances.
On voit par exemple les insurgés user et abuser de leurs armes à feu alors qu’en réalité le manque récurrent de munitions les conduisait à économiser un maximum de cartouches. On voit aussi le père Vega porter une soutane alors qu’aucun prêtre ne portait cet habit au Mexique, encore moins en combattant. Les besoins du scénario créent des rencontres qui n’ont jamais eu lieu. Ainsi le président Calles et le général Gorostieta se retrouvent autour d’une téquila tandis que des ennemis jurés, le légendaire El Catorce et le sulfureux père Vega, servent à l’unisson sous un même drapeau.
Le spectateur comprendra qu’il ne se trouve pas là devant un documentaire. Mais ces héros ont bel et bien existé, ce qui donne une densité particulière, presque charnelle, à leur parcours. Le grand Andy Garcia endosse avec brio le rôle du général Gorostieta aux côtés de la ravissante Eva Longoria, desperate housewife transformée pour l’occasion en épouse modèle. De son côté, Peter O’Toole livre une très belle interprétation du père Christopher, un prêtre étranger aux yeux limpides qui meurt fusillé par les soldats fédéraux pour avoir refusé de quitter sa paroisse – une sorte d’archétype des 90 prêtres tués au cours du conflit.
Le connaisseur reconnaîtra également le personnage d’Anacleto Gonzales Flores, chantre de la non-violence, tout comme Dwight Morrow, l’ambassadeur américain. Et on pourrait multiplier ainsi les allusions à des faits bien réels : la mobilisation des femmes au sein de réseaux clandestins, l’épisode tragique du train de la Barca, les pourparlers du Saint-Siège avec le gouvernement etc.
Finalement, le plus gros décrochage historique concerne le général Gorostieta présenté comme un athée décomplexé qui adhère à la cause pour défendre les valeurs de la liberté religieuse et qui finit par se convertir au contact de ses compagnons.
Cette version hagiographique résulte d’une fausse légende, fort répandue, et c’est justement la diffusion du film aux États-Unis qui a permis de rétablir la vérité. Choquée par ce portrait, une descendante a communiqué au chercheur Jean Meyer dix-huit lettres inédites du miliaire à sa femme : elles montrent bien qu’il était un catholique convaincu dès le départ.
On pourra enfin regretter que la fin laisse croire au Happy end alors que les Arreglos conclus en juin 1929 entre l’État et l’Église ne sont ni une victoire ni une reddition mais bien une trêve entraînant la démobilisation forcée des cristeros. Certes, les catholiques peuvent de nouveau exercer leur culte mais leurs libertés restent toutes relatives avec notamment un strict contrôle du nombre de prêtres dans les États. Quant aux insurgés, ils font l’objet d’une véritable épuration dès qu’ils ont déposé les armes, malgré toutes les promesses du gouvernement.
Voilà donc un film qui se laisse voir avec plaisir comme une fresque tour à tour épique ou tragique. La violence de certaines scènes, pourtant bien en-deçà de la réalité des exactions commises par les troupes fédérales, conduira à le déconseiller au moins de douze ans.